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Les chercheurs spécialisés sur la gestion des changements comportementaux commencent à identifier des éléments favorisant le gaspillage alimentaire et à réfléchir à des actions de sensibilisation, notamment chez les plus jeunes.

Promouvoir la durabilité auprès des consommateurs et lutter contre le gaspillage alimentaire ont été des sujets évoqués à l’occasion de la première journée de recherche en sciences de gestion sur les changements comportementaux, organisée par l’Institut du Marketing Social. Le point sur les données préliminaires de travaux encore en cours.

La pression temporelle favorise le gaspillage alimentaire

Les consommateurs génèrent 42 % des 9,4 millions de tonnes d’aliments jetés chaque année en France. De nombreux travaux ont identifié les comportements qui conduisent à ce gaspillage alimentaire. Pour les analyser, il faut aller au-delà des biais décisionnels sur l’arbitrage des quantités et s’intéresser à la diversité des pratiques alimentaires et à toutes leurs interconnexions avec les autres activités du quotidien, la pression du temps, la charge mentale, etc. C’est ce qu’ont fait Guillaume Le Borgne et ses collaborateurs à l’aide d’un questionnaire en ligne envoyé à 1037 personnes sur leurs pratiques d’achats, de préparation des repas, de cuisson et de conservation des aliments, le gaspillage alimentaire par type de produits (emballés, non emballés, emballés ouverts.. .), les perceptions et croyances, l’équipement et l’organisation du foyer, la pression temporelle ressentie.

Les données ont permis de réaliser une typologie des pratiques alimentaires sur laquelle l’impact du temps a été mesuré. Deux approches du paramètre « temps » ont été prises en compte : (1) le temps comme cadre de lecture des routines et des habitudes, c’est-à-dire un arbitrage plus ou moins conscient de ce qu’il est bon de faire, quand, en combien de temps, à quel moment ? (2) le temps comme une expérience subjective, qui passe plus ou moins vite selon ce à quoi il est occupé. Ceci leur permet, d’une part, de comprendre comment l’agencement des pratiques du quotidien dépend de l’organisation temporelle et, d’autre part, de caractériser des profils de consommateurs en fonction de leur rapport au temps.

L’analyse des données (encore en cours) permet dès à présent de segmenter les foyers en 5 profils de ménages en fonction de leurs pratiques alimentaires. Elle met, pour l’instant, en évidence certains éléments favorisant le gaspillage alimentaire comme la pression temporelle, les tensions au sein du ménage au sujet du menu et la fréquence des courses alimentaires. Les pratiques associées à une réduction du gaspillage sont : la conscience des prix, le fait de prendre soin de son réfrigérateur et de le ranger, de cuisiner pour le jour même, de subir une faible pression temporelle. La classe qui gaspille le plus est caractérisée par le jeune couple avec un premier enfant, qui cuisine à l’avance, planifie les repas, fait des listes de courses, subit une forte pression temporelle et des tensions lors de la constitution des menus. L’analyse plus approfondie des données devrait fournir d’autres résultats qui seront utiles pour faire des recommandations adaptées à chaque pratique alimentaire et dans une démarche de marketing social. Des expérimentations de terrains sont aussi à l’étude pour obtenir des mesures réelles du gaspillage alimentaire.

Promouvoir la durabilité à partir du profil éco- responsable des consommateurs

Jean-Marc Ferrandi a présenté des données de ses travaux sur les moyens de promouvoir la durabilité à partir du profil éco-responsable des consommateurs. Les données de la version 2024 du baromètre de mesure de la consommation responsable et durable indiquent, de fait, un écart entre les préoccupations des consommateurs vis-à-vis de la durabilité et leurs comportements. Quelles actions de sensibilisation pourraient favoriser des comportements plus durables ? Peut-on agir auprès des enfants, qui sont des acheteurs directs et dont le pouvoir de prescription et d’influence est majeur ? Il existe très peu de données dans la littérature sur la sensibilisation des enfants à la durabilité. Jean-Marc Ferrandi a demandé aux consommateurs comment les inciter à adopter des comportements plus durables. Les réponses sont très différentes selon leur profil « éco-responsable ». Chez les moins engagés, la durabilité est un sujet abstrait. Ils cherchent à se justifier, se comparent favorablement aux autres, ne souhaitent pas davantage s’impliquer. Ils proposent comme solution de sensibilisation des enfants à la durabilité, la diffusion de bonnes pratiques et la participation des enfants à des actions civiques ainsi que l’éducation à l’école. Au contraire, ceux qui sont les plus éco-responsables proposent des solutions concrètes comme l’indication de la durabilité sur les menus de la cantine, des menus végétalisés, des actions de lutte anti-gaspillage, des jeux éducatifs, etc. Une dimension fondamentale apparaît entre ceux les moins engagés et ceux les plus éco-responsables : l’équité, c’est-à-dire la prise en compte de l’autre dans sa consommation et non plus son propre intérêt. Cette différence entre les moins engagés et les plus éco-responsables s’explique aussi par la distance psychologique perçue à l’égard de la durabilité. Plus elle leur paraît éloigné de leur univers, plus elle leur semble abstraite. La prochaine étape sera de réfléchir à des actions de sensibilisation à mener auprès des moins engagés.

La rédaction des cahiers de nutrition attend des résultats plus concrets pour une prochaine diffusion.

Source : 1re Journée de recherche en sciences de gestion sur les changements comportementaux. 7 février 2025. Institut du Marketing Social. https://institutdumarketingsocial.org/

C. Costa  © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Date de publication : 24/04/2025

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