Les Français en savent de plus en plus sur les microbiotes, mais leurs habitudes ne suivent pas encore cette progression. En cartographiant le microbiote des Français, le projet French Gut espère pouvoir proposer des recommandations plus adaptées à la situation française.
Le 26 juin dernier, le Biocodex Microbiota Institute a présenté les résultats de la 3e édition de son Observatoire International des Microbiotes tandis que l’Inrae a fait le point sur le projet French Gut qui cherche à cartographier le microbiote intestinal des Français.
Une meilleure connaissance des microbiotes
L’enquête a été réalisée en ligne début 2025 sur un panel Ipsos de 7500 personnes âgées de 18 ans et plus, résidant dans 11 pays (États-Unis, Brésil, Mexique, France, Portugal, Chine, Pologne, Finlande, Vietnam, Allemagne et Italie).
La connaissance des microbiotes progresse en France : un tiers des Français déclarent savoir précisément ce qu’est le microbiote (32 %, +5 points par rapport à 2023), positionnant la France parmi les pays les plus sensibilisés. Le microbiote intestinal reste le plus connu (31 % ; +3 points par rapport à 2023), mais la connaissance progresse également pour le microbiote vaginal (24 % ; +5 points par rapport à 2023), le microbiote oral (17 % ; +3 points par rapport à 2023) et cutané (14 % ; +2 points par rapport à 2023). Par rapport à la moyenne mondiale, les Français sont plus nombreux à avoir entendu parler du microbiote intestinal (70 % versus 57 %). De même concernant le microbiote vaginal.
Les fonctions du microbiote sont également de mieux en mieux identifiées : 80 % des répondants savent que l’alimentation influence son équilibre (+4 points vs 2023), 78 % qu’un déséquilibre peut affecter la santé (+3 points vs 2023), et 74 % qu’il joue un rôle dans l’immunité. Néanmoins, des zones d’ombre persistent : seuls 51 % savent que le microbiote intestinal transmet des informations essentielles au cerveau, plus de la moitié (57 %) savent qu’il n’existe pas uniquement dans l’intestin (+ 6 points par rapport à 2023), et un quart des personnes pensent à tort que le microbiote se limite aux bactéries (26 %).
Un écart entre les connaissances et les comportements
L’enquête révèle que moins d’un Français sur deux (45 %) affirme avoir modifié ses habitudes pour préserver son microbiote (contre 56 % pour l’ensemble des 11 pays), les plus mobilisés étant les parents d’enfants de moins de trois ans. Les Français peinent à adopter des comportements bénéfiques : seuls 28 % pratiquent régulièrement une activité physique, un comportement moins adopté qu’au niveau des 11 pays (32 % en moyenne). Sur la consommation de probiotiques et prébiotiques, les Français apparaissent aussi en retrait. Un quart consomme des probiotiques (25 %) contre 49 % pour l’ensemble des 11 pays et 18 % consomment des prébiotiques (contre 41 %). La sensibilisation faite aux participants par les professionnels de santé au sujet de la préservation du microbiote est insuffisante (37 % ont reçu au moins une fois des conseils) alors qu’ils sont leur première source d’information (selon 85 % des personnes interrogées). Or, les données indiquent que lorsque les participants disent qu’un professionnel de santé les a déjà informé plusieurs fois sur le sujet, ils changent leur comportement. Enfin, faire tester son microbiote intestinal suscite un intérêt pour un Français sur deux. De même, ils sont autant à être prêts à faire don de leurs selles pour la recherche scientifique.
Cartographier le microbiote des Français
Cartographier le microbiote des Français est justement l’objectif du projet French Gut coordonné par Joel Doré et porté par l’Inrae en partenariat avec l’AP—HP et plusieurs autres partenaires publics et privés. D’ici 2029, ce projet vise à collecter et analyser les selles de 100 000 participants résidant en France. Pour l’instant, le projet a atteint un quart de son objectif (25 000 échantillons de selles collectées). Il s’agit principalement de personnes de 40 à 60 ans et assez peu de moins de 30 ans (10 %) ou de plus de 70 ans (6 %). De plus, 70 % sont des femmes, 66 % des volontaires n’ont jamais fumé, 89 % déclarent une activité physique régulière et 72 % sont omnivores. Un participant sur trois consulte pour une pathologie parmi lesquelles des pathologies digestives, de l’hypertension, des maladies systémiques ou auto-immunes, des maladies respiratoires (très représentées), puis des maladies neurologiques, neurodégénératives ou neuropsychiatriques.
Il s’agira, à partir des analyses des microbiotes de définir les normes du microbiote de la population en bonne santé et de mieux comprendre le rôle du microbiote dans les maladies. Il s’agira aussi de poser les bases pour le développement de recommandations et solutions nutritionnelles préventives et personnalisées, et d’ouvrir la voie vers de nouvelles thérapies contre les maladies chroniques. Joel Doré cite les résultats d’expérimentations faites sur des modèles animaux utilisés pour valider l’effet des antidépresseurs et qui montrent que trois ingrédients (utilisés dans certains compléments alimentaires) administrés pendant trois semaines sont aussi efficaces qu’un antidépresseur. Il cite également l’efficacité du transfert de microbiote fécal dans les cas d’infection au Clostridium difficile.
Aujourd’hui, il faut, selon lui, penser l’humain avec sa symbiose microbienne et prendre en compte les impacts potentiellement durables de l’exposition environnementale (alimentation, médicaments, pollution, modes de vie, etc.) sur l’équilibre de cette symbiose. Il ajoute que l’innovation en nutrition santé passera par la nutrition (fibres, polyphénols, oméga-3, aliments et boissons fermentées) et par la microbiothérapie.
Conférence de presse du 26 juin Observatoire Interna- tional des Microbiotes et avancées du projet French Gut. https://www.ipsos.com/fr-fr/microbiotes-une-prise-de- conscience-qui-progresse-en-france-mais-encore-trop-peu- dactions-concretes
C. Costa
C. Costa © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Date de publication : 29/10/2025
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