Une étude menée par l’UMR Phan (INRAE/Nantes Université) suggère que la transmission à la progéniture d’un microbiote associé à une obésité maternelle favoriserait un comportement alimentaire défavorable.
Un microbiote « mémoire »
Au-delà des contributions possibles du patrimoine génétique de la culture familiale et de l’environnement hormonal et métabolique pendant la grossesse, les chercheurs de l’UMR Phan soupçonnent le microbiote transmis par la mère au cours de la naissance d’être une mémoire de l’état métabolique de la mère et d’avoir un impact sur le risque d’obésité de la progéniture.
Pour en arriver à cette réflexion, l’équipe est partie de plusieurs constats : (1) dans les modèles animaux, l’obésité maternelle peut influencer le neurodéveloppement en période périnatale et avoir des conséquences sur les structures cérébrales qui régulent l’appétit ; (2) la composition des microbiotes maternels diffère selon le statut pondéral ; (3) les microbiotes maternels déterminent la colonisation de l’intestin de l’enfant et (4) le microbiote intestinal peut interagir avec le développement cérébral.
Ceci étant admis, les chercheurs ont émis l’hypothèse que la transmission d’un microbiote « mémoire » de l’obésité maternelle à son enfant au cours du développement périnatal pourrait modifier le développement des structures cérébrales responsables du contrôle de la prise alimentaire et ainsi modifier l’appétit au cours de la vie.
Une action sur le comportement alimentaire de la progéniture
Pour la tester, le microbiote de rates génétiquement prédisposées ou non à l’obésité et nourries avec un régime hyper-énergétique, a été transféré quotidiennement à des ratons de leur naissance à leur quinzième journée de vie. L’analyse de la composition du microbiote intestinal des ratons a montré que ces transferts modifiaient la composition du microbiote mais seulement transitoirement puisque la différence de composition induite disparaissait à l’âge adulte. Les chercheurs supposent que l’absence de prise de greffe des bactéries est liée à un arrêt trop précoce des transferts puisqu’avant le sevrage ou à la poursuite de la maturation intestinale.
Toutefois, bien qu’il n’y ait pas eu d’impact durable sur la composition du microbiote, les transferts néonataux ont eu un effet sur le comportement alimentaire des ratons. Lorsque le microbiote provenait de mères obèses, les ratons consommaient davantage, présentaient une préférence pour les graisses et le sucre et une plus grande motivation pour la nourriture (test du couloir droit).
Les métabolites microbiens soupçonnés
Les voies mécanistiques ou les médiateurs relayant l’impact du microbiote sur les circuits centraux qui contrôlent le comportement alimentaire sont évidemment inconnus. Cependant, elles sont probablement proches de celles suspectées d’être impliquées dans l’interaction entre le microbiote et le neurodéveloppement, qui reposent principalement sur la production de métabolites microbiens spécifiques tels que les acides gras à chaîne courte ou les neuromédiateurs et la médiation de la signalisation immunitaire induite par le microbiote.
Il s’agit bien entendu de travaux expérimentaux à confirmer mais la question de savoir si le transfert microbien de la mère à l’enfant joue un rôle dans la transmission du risque métabolique mérite clairement d’être étudiée chez l’homme.
Source : INRAE - Quel est l’impact du transfert du micro- biote maternel sur la santé de l’enfant en particulier sur le risque d’obésité ? Article en accès libre Frontiers Maternal Microbiota TransfePrograms Offspring Eating Behavior (frontiersin.org)
C. Costa
© Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Date de publication : 16/03/2023
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