L’offre alimentaire en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) doit prendre en compte les besoins nutritionnels des résidents mais aussi intégrer leurs préférences alimentaires afin de garantir une consommation suffisante. L’objectif de cette étude est d’explorer les facteurs d’appréciation de plats chez les seniors, en distinguant les facteurs sensoriels (liés à l’aliment et ses propriétés sensorielles) et les facteurs cognitifs (liés au sujet et à ses représentations en mémoire de l’aliment).
Lutter contre la dénutrition des personnes âgées est une réelle préoccupation pour les praticiens en institution gériatrique. En effet, la dénutrition touche 15 à 38 % des personnes âgées dépendantes et enclenche une série d’évènements qui entrainent l’augmentation du niveau de dépendance, des risques de comorbidité et de mortalité ainsi qu’une diminution de la qualité de vie. Pour garantir un apport nutritionnel adéquat et ainsi prévenir la dénutrition, il est primordial d’adapter l’alimentation aux besoins nutritionnels spécifiques du sujet âgé.
Le vieillissement s’accompagne d’une diminution des capacités sensorielles touchant tous les sens dont le goût et l’odorat, amplifié par la prise de certains médicaments dans le cas de certaines maladies (ex : Alzheimer). Les seuils de perception de saveurs se trouvent ainsi modifiés. L’appréciation d’un aliment est un moteur de sa consommation. Une consommation alimentaire insuffisante chez les personnes âgées vivant en EHPAD pourrait alors être expliquée par le fait que les aliments proposés pendant les repas ne correspondent pas aux « goûts » des résidents.
La présentation des aliments dans l’assiette est un vecteur d’attractivité pour les personnes âgées. En effet, 42% des sujets interrogés en EHPAD évoquent la taille trop importante des portions qui serait la raison principale pour laquelle ils ne finissent pas leur assiette. De plus, la texture non adaptée (dure, filandreuse…) est un facteur de rejet, car la modification des choix alimentaires chez les seniors est en lien avec leurs difficultés de mastication. Ainsi, il est essentiel de diagnostiquer les troubles de mastication et d’apporter des solutions alimentaires afin de rendre les aliments plus accessibles et attractifs. Enfin, la température joue un rôle dans la façon de percevoir les aliments et contribue à la satisfaction du sujet interrogé.
Dans un environnement tel que l’EHPAD, qui constitue une rupture des habitudes de vie, l’alimentation reste également un moyen d’affirmer son identité. Des facteurs liés aux représentations en mémoire de l’aliment : la familiarité, l’identité socioculturelle, la réminiscence de souvenirs et le confort digestif, orientent significativement l’appréciation alimentaire chez la personne âgée. La familiarité avec le plat ressort comme un critère particulièrement important, le fait qu’ils l’aient déjà gouté, voire cuisiné, participe à la rassurance vis-à-vis de ce plat. Ainsi, si ce souvenir est associé à des émotions positives, l’appréciation de l’aliment augmente.
Récapitulatif des facteurs d’appréciation des plats
Facteurs sensoriels-liés à l’alimentation |
Facteurs cognitifs-liés au sujet |
Apparence Garant de l’identification des aliments Texture Adaptée, en lien avec des difficultés de mastication « Goût » Rejet des plats « fade », du piquant Température Plats chauds, servis chauds et pas « tièdes »
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Familiarité Identité socioculturelle Appartenance à un groupe social, une culture Réminiscence Confort digestif |
Prendre en compte l’ensemble de ces facteurs est donc essentiel pour garantir l’acceptabilité du plat et sa consommation.
Ce qu’il faut retenir
Les facteurs sensoriels (l’apparence visuelle, la texture, le gout et la température) et les facteurs cognitifs (la familiarité, l’identité socioculturelle, la réminiscence et le confort digestif) participent ensemble à l’évaluation de l’appréciation alimentaire et à l’établissement des préférences culinaires chez les personnes âgées vivant en EHPAD. Les recommandations nutritionnelles doivent également être prises en compte afin de garantir une consommation alimentaire suffisante.
Les préférences culinaires des personnes âgées vivant en institution : facteurs d’appréciation sensoriels et cognitifs. Cahier de Nutrition et Diététique 2015.
Virginie Pouyet, Agnès Giboreau, Gérard Cuvelier, Linda Benattar.
Date de publication : 17/06/2015