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Elles sont en forte croissance depuis 2005 ! Bénédicte Prieur nous explique pourquoi et comment les traiter.

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) sont des pathologies complexes impliquant des facteurs environnementaux, la génétique, et le microbiote intestinal. Bénédicte Pigneur rappelle les relations entre les MICI et le microbiote et présente les récentes avancées dans le traitement de ces pathologies.

Ces MICI touchent des sujets jeunes et leur incidence est en forte croissance depuis 2005, notamment dans les pays industrialisés. Ces maladies sont, de fait, favorisées par l’environnement. Les études décrivent depuis plus d’une dizaine d’années, une dysbiose du microbiote intestinal chez ces patients, avec une forte instabilité du microbiote au cours du temps, la présence d’environ 30 % de bactéries inhabituelles, une restriction de la biodiversité au dépens du phylum des firmicutes avec une augmentation des gamma-protéobactéries et de la concentration des bactéries liées à la muqueuse intestinale.

Une dysbiose observée chez les patients avec MICI 

Une des bactéries représentantes majeures des firmicutes et qui est déficitaire chez ces patients est le Faecalibacterium prausnitzii. Avec son équipe, Benedicte Pigneur a montré que cette bactérie a des propriétés anti-inflammatoires et qu’elle pouvait diminuer très fortement la colite chez les souris en diminuant la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires IL12 et en augmentant celle de cytokines anti-inflammatoires. Le rôle de Faecalibacterium prausnitzii dans l’homéostasie intestinale a été décrit depuis, dans d’autres pathologies.

Une autre bactérie à surveiller est un sous-type d’Escherichia Coli AIEC retrouvé dans l’iléon de patients atteints de maladie de Crohn. Ce sous-type est capable d’adhérer aux cellules épithéliales intestinales, de les envahir et de s’y répliquer. Sa présence est associée à plus de gravité et à un moins bon pronostic d’évolution de la maladie.

Concernant la dysbiose du microbiote, les chercheurs ont noté que celle observée dans la maladie de Crohn est plus importante que celle trouvée dans la rectocolite hémorragique (RCH) avec une diversité plus réduite et une communauté bactérienne moins stable. Elle diffère aussi entre le stade de poussée (plus importante) et le stade de rémission. De même, il existe des différences entre les adultes et les enfants. Le Faecalibacterium prausnitzii, qui est déficitaire chez l’adulte, n’est pas réduit chez l’enfant avec maladie de Crohn, ce qui laisse penser que la dysbiose pourrait s’aggraver au cours du temps. Des études plus récentes ont permis d‘identifier une signature microbienne pour la maladie de Crohn avec huit groupes microbiens. Enfin, le microbiote contient également des virus avec une augmentation des caudovirales et une diminution de l’abondance des microviridae dans le cas de la maladie de Crohn. Il existe aussi une dysbiose fongique dans la maladie de Crohn comme dans la RCH avec notamment une diminution des saccharomyces et une dysbiose plus prononcée en période de poussée qu’en période de rémission.

La poule ou l’œuf ?

La dysbiose préexiste-t-elle à l’arrivée de la maladie inflammatoire, ou est-elle consécutive à l’inflammation ? Une étude publiée récemment et réalisée auprès de jumeaux génétiquement identiques, mais dont l’un seulement présente une maladie inflammatoire, révèle que les deux jumeaux ont un microbiote identique et dysbiotique : on en conclut que la dysbiose préexiste à l’arrivée de la maladie inflammatoire. Par ailleurs, l’observation des pays dont l’incidence des maladies inflammatoires débutent indique que c’est la RCH qui survient en premier chez les habitants et que l’incidence de la maladie de Crohn est retardée d’environ 10 ans. De même, dans le cas des migrants, la RCH survient dans la première génération qui s’installe et la maladie de Crohn à la 2e génération.

Les chercheurs concluent que le moment de la constitution de la dysbiose et son impact seraient différents entre la maladie de Crohn et la RCH. La RCH est probablement liée à une dysbiose un peu tardive, c’est-à-dire liée à un déséquilibre environnemental qui perturbe brutalement le microbiote, tandis que la maladie de Crohn serait liée à un dialogue anormal entre le microbiote et le système immunitaire tôt dans la vie. La dysbiose résulterait d’événements survenus pendant les premières années de vie.

Modifier le microbiote pour traiter la dysbiose

Des travaux en cours réfléchissent de plus en plus à la modification du microbiote pour le traitement des MICI. Certains ciblent directement le microbiote intestinal comme les probiotiques, des bactéries d’intérêt ou la transplantation fécale. D’autres ciblent les voies métaboliques apportées par les bactéries.

Avec des probiotiques

Les études avec les probiotiques pour rééquilibrer la dysbiose et diminuer l’inflammation sont un peu décevantes. Seuls deux essais chez l’adulte ont montré l’efficacité du VSL#3 (mélange de probiotiques) dans la prévention de la rechute de la pochite et deux essais en pédiatrie sur la maladie de Crohn ont montré une petite efficacité du Lactobacillus rhamnosus GG sur la prévention de la rechute mais qui ne se maintient pas sur le long terme. Pour Bénédicte Pigneur, les résultats sont décevants parce que les probiotiques utilisés (quasiment tous dérivés des bactéries lactiques) ne sont pas les bactéries qui manquent aux patients atteints de maladies inflammatoires. Un essai de phase une vient de démarrer à Paris dans l’équipe d’Harry Sokol et il consiste à utiliser une souche non modifiée de Faecalibacterium prausnitzii pour tester son effet sur le maintien de la rémission de la maladie de Crohn après un traitement aux corticoïdes.

Avec des phages

Autre thérapie, celle par les phages. Il s’agira d’inoculer un phage dirigé contre une des bactéries pathogènes du microbiote. Dans une étude récente chez la souris, un phage dirigé contre klebsiella pneumoniae a montré une efficacité pour diminuer la colite. Sa tolérance et sa survie chez l’homme sans MICI ont été validés.

En ciblant les voies métaboliques

Une autre stratégie est de cibler les voies métaboliques altérées dans les MICI et impliquées dans le dialogue hôte-microbiote comme la voie du tryptophane. Une étude chez la souris montre qu’une supplémentation en agonistes des récepteurs AhR (récepteurs des métabolites du tryptophane) ou en bactéries produisant naturellement des agonistes AhR atténue la sévérité de la colite chez la souris.

En améliorant la réponse aux traitements

Enfin, le microbiote peut être utilisé pour améliorer la réponse à un traitement, comme cela est fait en cancérologie. Une étude a ainsi montré que plus la diversité microbienne de l’intestin est élevée et meilleure est la réponse aux biothérapies par adalimumab, infliximab et ustekinumab.

Bénédicte Pigneur conclut que le microbiote intestinal est anormal chez les patients avec MICI et qu’il existe même une signature du microbiote dans la maladie de Crohn, que certaines espèces comme le Faecalibacterium prausnitzii à un rôle majeur à jouer dans l’homéostasie intestinale chez ces patients tandis que les AIEC vont maintenir l’inflammation, et donc que l’avenir est dans la manipulation du microbiote et peut-être lors d’une fenêtre d’opportunité dans l’enfance pendant laquelle le microbiote est un peu plus malléable.

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La nutrition personnalisée passera-t-elle par le microbiote ? 

Bénédicte Pigneur - Microbiote et MICI - Journées francophones de nutrition http://www.lesjfn.fr
C. Costa « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés »

Date de publication : 13/05/2024

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