L’Anses a évalué la proportion de français inactifs et/ou sédentaires et en a déduit leur risque de santé. Irène Margaritis, cheffe de l’Unité d’évaluation des risques liés à la nutrition à l’Anses a présenté les résultats de cette étude.
Après avoir révisé les repères relatifs à l’activité physique et la sédentarité (2016), l’Anses s’est autosaisie pour évaluer les risques liés à l’inactivité physique et à la sédentarité. Pour cela, les données de l’étude Inca3 recueillies entre 2014 et 2015 ont été exploitées soit plus de 1300 adultes de 18 à 64 ans, hors femmes enceintes et hors femmes ménopausées car les seuils de ces dernières sont différents (plus élevés).
Trois types d’inactivité physique considérés
Pour rappel, l’inactivité physique est définie comme un niveau d’activité physique d’intensité modérée à élevée inférieur à des seuils recommandés. Les seuils de trois types d’activités (seuils définis en 2016) ont été pris en compte. Le seuil 1 qui correspond à 30 minutes de sollicitation cardiorespiratoire au cours d’une activité modérée à élevée au moins 5 jours par semaine. Le seuil 2 correspondant à 40 minutes de travail musculaire en résistance 1 à 2 fois par semaine. Le seuil 3 à des exercices d’assouplissement 2 à 3 fois par semaine.
Quant à la sédentarité, elle est définie par une situation d’éveil caractérisée par une dépense énergétique faible soit inférieure à 1,6 équivalent métabolique de Base (MET) en position assise ou allongée. La sédentarité (ou comportement sédentaire) est donc définie et considérée distinctement de l’inactivité physique, avec ses effets propres sur la santé.
Une inactivité supérieure chez les femmes et les moins diplômés
Les données révèlent qu’une bonne partie de la population française est exposée au risque d’inactivité physique : 68 % des adultes sont en deçà du seuil 1 (30 min de sollicitation cardiorespiratoire 5 fois/semaine) et ceci concerne davantage les femmes (82 %) que les hommes (57 %) ; 37 % des adultes n’atteignent pas le seuil 2 (40 minutes/semaine), les femmes étant plus concernées que les hommes. Enfin, 70 % des adultes n’atteignent pas le seuil 3 (20 min d’assouplissements par semaine) et davantage les plus âgés.
Lorsqu’on prend en considération les activités à sollicitation cardiorespiratoire et le travail musculaire en résistance, seuls 21 % de la population adulte atteignent à la fois les seuils en durée et fréquence de pratique. Si on y inclut l’assouplissement, 95 % des adultes n’atteignent pas les seuils en durée et fréquence de pratique. Les femmes sont 70 % à n’atteindre aucun seuil comparé aux hommes (42 %). De même, les moins diplômés ont les durées quotidiennes de sollicitation cardiorespiratoire et de travail musculaire en résistance surtout liées à des activités domestiques les plus élevées. La zone géographique d’habitation impacte également l’exposition à l’inactivité physique : la durée de sollicitation cardiorespiratoire et de travail musculaire est moindre en Île-de-France que chez les habitants des zones rurales et la proportion de personnes n’atteignant aucun seuil (cardiorespiratoire, travail musculaire en résistance et assouplissement) est plus élevée dans l’agglomération parisienne qu’en zone rurale.
Les moins de 45 ans plus sédentaires
La durée moyenne de sédentarité était de 7 h/jour. Plus d’un tiers des adultes (38 %) passaient plus de 8 h par jour dans un comportement sédentaire, devant un écran de loisir pour 79 % d’entre eux. Davantage les 18 à 44 ans (42 %) que les 45 à 64 ans (31 %). Les franciliens passaient 2 h de plus par jour à ces activités sédentaires que les habitants de zone rurale. Et les 18 à 44 ans une heure de plus devant les écrans de loisir que les 45—64 ans. Près de la moitié de la population (48 %), passe plus de 3 h/j devant la télévision.
Des risques de santé augmentés par l’inactivité
Les données bibliographiques indiquent des associations avec un niveau de preuve élevé entre l’inactivité physique ou la sédentarité et les risques de mortalité toute cause et d’origine cardiovasculaire, lié à un cancer, de syndrome métabolique, maladies cardiovasculaires, diabète. . .
Plus précisément, les 27 % les moins actifs (< 7MET.h/sem) s’exposent à une augmentation des risques de mortalité générale de 40 %, de décès d’origine cardiovasculaire de 28 %, de décès par cancer de 12—15 %, de développer un syndrome métabolique de 30 %, d’apparition d’un diabète de type 2 de 25—30 % et d’apparition d’une maladie coronarienne de 25 %.
Tandis que les 37 % de la population générale ayant un niveau d’activité d’intensité élevée (7 à 30 MET.h/sem) ont une augmentation plus modérée du risque de mortalité générale de 5—10 %, de décès d’origine cardiovasculaire de 20 %, de décès par cancer de 10 %, de développer un syndrome métabolique de 20 % et d’apparition d’une maladie coronarienne de 5—10 %.
L’activité physique peut compenser la sédentarité
Pour la sédentarité, les 37 % d’adultes passant plus de 8 h/jour en position assis s’exposent à une augmentation du risque de mortalité globale par heure au-delà de 8 h/j de 4 à 12 %, de décès d’origine cardiovasculaire de 22 %, ainsi que 1,5 fois plus de risque de développer une obésité.
Les 16 % de la population qui passent plus de 5 h/j devant la télévision auraient une augmentation du risque de mortalité générale, par heure au-delà de 5 h/j, de 6 %, de décès d’origine cardiovasculaire de 45 %, de décès par cancer de 18 %, d’apparition d’un diabète de type 2 de 48 % et d’apparition d’une maladie coronarienne de 40 %.
En revanche, la bonne nouvelle est que chez les 36 % de la population très active (> 30 MET.h/sem) un excès de sédentarité (8 h/jour) n’aura pas de conséquences sur leur risque de mortalité, de diabète de type 2, d’insuffisance cardiaque et de maladies coronariennes.
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Renforcer les actions publiques et mobiliser tous les professionnels
Une part importante de la population française étudiée entre 2014 et 2015 s’expose à des risques sanitaires du fait d’une inactivité physique et de temps de sédentarité élevés liés à des modes de vie, de travail et de loisirs, à une durée trop élevée devant les écrans chez les moins de 45 ans tan- dis que les femmes ont une activité physique insuffisante. Les moins de 45 ans et les adultes avec un faible niveau d’étude sont davantage sédentaires. Ces données font échos à celles retrouvées chez les enfants et adolescents en termes de comportements familiaux et sociaux.
Ces risques sont évitables et justifient le renforcement des actions de prévention qui doivent intégrer une campagne d’information sur les dangers de l’inactivité physique et de la sédentarité, la promotion et l’incitation à la pratique physique et la sensibilisation des professionnels de l’urbanisme, de la santé et de l’éducation pour créer un environnement favorable à la mobilité active et aux activités physiques et sportives.
Irène Margaritis précise que les données d’Inca4 devraient permettre d’évaluer l’impact de la crise sanitaire et notamment du télétravail sur l’inactivité physique et la sédentarité.
Source : AVIS de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à l’évaluation des risques liés aux niveaux d’activité physique et de sédentarité des adultes de 18 à 64 ans, hors femmes enceintes et ménopausées. 15 février 2022 — www.anses.fr.
C. Costa « © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés ».
Date de publication 10.06.2022
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