Selon le Haut Conseil de la Santé Publique, le cinquième PNNS devra franchir un cap : être plus mobilisateur pour le public, plus exigeant vis-à-vis de l’environnement alimentaire, et s’ancrer dans une approche à la fois durable et équitable.
Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), saisi par la Direction Générale de la santé, a émis ses recommandations pour une modernisation ambitieuse du 5e programme national nutrition santé (PNNS). Objectifs : s’inscrire davantage dans la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, intégrer la durabilité environnementale, inclure le sommeil et clarifier le rôle central de l’activité physique et de la lutte contre la sédentarité. Pour réussir, le PNNS 5 devra savoir articuler objectifs de santé publique, équité sociale et durabilité environnementale, en s’appuyant sur une gouvernance renforcée, des financements stables, et des mesures à la fois pédagogiques et contraignantes.
Renommer le PNNS
Première mesure conseillée : renommer le PNNS pour qu’il reflète davantage ses nouvelles ambitions durables et clarifie l’intégration du mode de vie (sommeil, activité physique, sédentarité). Le HCSP ne fait pas de proposition.
Le HCSP fait un bilan contrasté du PNNS 4 et estime notamment qu’il a manqué de leviers contraignants (sur le marketing visant les jeunes, les incitations à reformuler les produits, etc.) et que le déploiement des actions a été très inégal sur le territoire. Par ailleurs, il maintient les recommandations de 2017 qui n’ont pas été intégrées au PNNS comme les mesures réglementaires et fiscales pour améliorer l’environnement nutritionnel (réglementer des standards de composition nutritionnelle, taxe selon le profil nutritionnel, coupons spécifiques fruits et légumes) et les mesures de régulation de la communication et du marketing (interdiction pour les aliments classés D et E).
Renforcer la promotion des modes de vie actifs
Le HCSP estime qu’il est nécessaire de renforcer quelques enjeux de santé publique comme la promotion de modes de vie actifs, avec une inclusion formelle du sommeil (dont la durée et la qualité se sont beaucoup dégradés) comme facteur de santé, le soutien aux environnements favorables et à l’activité physique adaptée à chacun. Ces dernières décennies, les adolescents ont connu de fortes modifications de leurs comportements avec une baisse de l’activité physique, une augmentation des comportements sédentaires, une baisse du temps de sommeil, une diminution de leur condition physique et des comportements alimentaires recherchant la perte de poids. Une attention particulière doit être portée à cette période, et plus spécifiquement aux adolescentes davantage en difficulté pour l’atteinte des recommandations de santé publique. Par ailleurs, le HCSP estime que, la capacité physique étant un signe clinique vital majeur, elle devrait être évaluée chez tout adulte d’âge moyen pour être utilisée dans son calcul de risque sanitaire et dans un but de prévention individuelle.
Renforcer la promotion des régimes alimentaires sains et durables
Il s’agira d’assurer la promotion de régimes alimentaires sains et durables « One Health », avec une végétalisation de l’alimentation (diminution de la consommation de l’ensemble des viandes et aller vers des viandes plus durables, promotion des fruits et légumes) et le renforcement des critères environnementaux dans les repères nutritionnels et recommandations (produits de saison, locaux, bio, limiter les ultra-transformés). Ces régimes devront rester abordables financièrement, être adaptés pour les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants, et prendre en compte les spécificités liées aux populations d’Outre-mer. Les systèmes alimentaires actuels devront devenir durables en optimisant les modes de production agricole (par le développement de pratiques agricoles plus agroécologiques et plus durables), en réduisant les pertes et le gaspillage, et en faisant évoluer les habitudes alimentaires vers des régimes plus riches en produits végétaux et plus faibles en aliments transformés dans les pays à hauts revenus. Concernant les personnes âgées, le HCSP précise qu’il n’existe pas encore d’arguments pour leur recommander des protéines végétales et que les différents aliments d’origine animale dont la viande sont plus susceptibles d’apporter les nutriments nécessaires pour prévenir la dénutrition et la sarcopénie.
Agir sur l’environnement alimentaire
Une action plus ferme sur l’environnement alimentaire est réclamée avec un encadrement plus strict du marketing (pour les produits classés D et E selon le Nutri-Score, interdiction des ventes promotionnelles et de communications et de l’utilisation de tous supports publicitaires à destination des moins de 16 ans), le passage d’incitations volontaires à des mesures réglementaires (extensions de la taxe sur les boissons sucrées à l’ensemble des produits riches en sucre, taxe d’accise sur les catégories D et E, négocier des cibles quantifiées de reformulation à atteindre). Les recettes fiscales produites par ces taxes nutritionnelles devront être affectées au financement de mesures de promotion de la santé nutritionnelle, en particulier les mesures bénéficiant aux populations les plus modestes et aux enfants (coupons fruits et légumes, chèque alimentaire, prévention en milieu scolaire).
Réduire la précarité alimentaire
La réduction de la précarité alimentaire est aussi une priorité, avec une évolution vers des modèles structurels plus équitables (passer d’un système de don de produits délaissés par les consommateurs favorisés à un système d’achat d’aliments plus équilibrés) à l’image du développement de la sécurité sociale de l’alimentation, et l’intégration des publics vulnérables dans la politique nutritionnelle via des actions ciblées et structurées (messages de prévention adaptés, accompagnement pour l’appropriation du Nutri-Score et dans les choix alimentaires, développement de la littératie alimentaire spécifique aux contextes des personnes précaires).
Une gouvernance renforcée et des financements stables
Une amélioration de la gouvernance et de la lisibilité, par le soutien aux gouvernances locales renforcées pour une déclinaison du PNNS sur les territoires, avec des outils partagés, des indicateurs communs, et un financement stable sont recommandés.
En résumé, le HCSP propose une approche systémique intégrant le fait que toute intervention (politique, programme ou action) sur la santé des animaux ou des écosystèmes est susceptible d’impacter la santé humaine, en cohérence avec la Stratégie Nationale Alimentation Nutrition Climat (SNANC). Il propose l’introduction d’une littératie alimentaire et physique dès l’enfance, et la mise en place de leviers réglementaires et fiscaux, au-delà des approches incitatives. Il préconise aussi une évaluation de l’impact économique et social des mesures de santé publique en nutrition pour maximiser leur efficacité et justifier leur pérennité.
Ambitions bienvenues mais on doute un peu de leur traduction pratique dans le contexte économique français actuel.
HCSP — Recommandations pour l’élaboration du 5e Programme national nutrition santé (PNNS) 10 juin 2025. https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=1445
C. Costa © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Date de publication : 04/11/2025
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