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Sommaire

Elle concerne 20 % de la population, répond aux critères de dépendance du DSM4 et se confond parfois avec d’autres troubles du comportement alimentaire. Le point sur les indices à repérer pour le diagnostic de l’addiction à l’alimentation.

Le concept d’addiction à l’alimentation a été défini en 1956 par Randolph qui dégage deux grands concepts : celui d’aliments hautement palatables qui pourraient avoir un potentiel addictif et le concept de suralimentation qui pourrait correspondre à une forme de comportement addictif. Depuis les années 2000, les publications scientifiques se sont multipliées sur ce sujet notamment dans le contexte d’explosion de l’obésité. Des travaux ont adapté aux comportements alimentaires, les critères de dépendance à une substance tels qu’ils sont définis dans le DSM 4. L’applicabilité de ces critères dans le champ de la boulimie, de l’hyperphagie boulimique de l’obésité, voire plus largement de la suralimentation a été étudiée et quelques désaccords ont émergé sur la définition précise des symptômes de la « Food addiction ». En 2009, l’échelle YFAS a été mise au point pour diagnostiquer l’addiction à l’alimentation. Notons que les aliments servant de support à ce type d’addiction peuvent être spécifiques (sucrés) ou non. Les grands critères de la dépendance pour définir cette addiction à l’alimentation sont : de plus grandes quantités avec perte de contrôle, un désir persistant de manger avec des efforts infructueux pour s’arrêter, le temps passé, le craving (pulsion irrépressible), l’incapacité à remplir ses obligations majeures, l’abandon des activités sociales, des consommations malgré les conséquences, la tolérance, le sevrage...

20 % d’addiction alimentaire dans la population

En termes de prévalence, l’addiction à l’alimentation concerne 20 % de la population générale et dépasse la prévalence des troubles des conduites alimentaires en population générale. Elle concerne davantage des femmes, des sujets de plus de 35 ans et en situation de surpoids ou d’obésité, 32 % des sujets en pré chirurgie bariatrique, 15 % des sujets en post-chirurgie. En population psychiatrique, elle concerne près de 16 % des sujets avec des corrélations entre addiction à l’alimentation et dépression d’une part, anxiété d’autre part.

Un chevauchement avec les TCA

Il existe un chevauchement de l’addiction à l’alimentation avec les troubles des conduites alimentaires. Sa prévalence est de 97 % chez les femmes avec boulimie, 93 % chez celles avec hyperphagie boulimique, 87 % chez celles avec anorexie mentale purgative et 61 % chez celles avec anorexie mentale restrictive. Les critères les plus fréquemment retrouvés étaient la détresse en lien avec l’alimentation, le craving, le besoin impérieux de s’alimenter et les échecs à stopper le comportement problématique.

Pourquoi une lecture addictologique de l’alimentation ? 

Clémence Cabelguen répond que la lecture addictologique de l’alimentation permet d’identifier des correspondances entre la dépendance à l’alimentation et les autres troubles addictifs à des substances ou des comportements. Il existe un partage de facteurs de risque et de vulnérabilité en ce qui concerne des traits de personnalité, les événements de vie et les comorbidités psychiatriques. Il existe des rapprochements cliniques indéniables avec les usagers de substances psychoactives en termes de séquences cognitives et comportementales, de vocabulaire des patients (shoot de sucre, manque) ou de déni. Au niveau psychopathologique, cette lecture ouvre aussi d’autres voies d’accompagnement et de compréhension de cette recherche d’anesthésie et de soulagement des affects douloureux, de vérification d’existence ou de recherche de sensations. Ces comportements peuvent prendre la forme d’actes anti-éprouvés, c’est-à-dire « j’agis, je ressens au niveau de mon corps plutôt que de ressentir au niveau de mes émotions », dans une fonction peut être défensive par rapport à des affects dépressifs. Les conduites addictives sont souvent explosives au moment de l’adolescence, très en lien avec les processus d’individuation et de séparation. Enfin, ces conduites addictives peuvent constituer une sorte de compromis entre des revendications d’autonomie et dans le même temps une dépendance à l’entourage.

Repérer les critères d’addiction

Les patients qui présentent des TCA et une relation de dépendance à la nourriture, ont un pronostic plutôt défavorable par rapport à des patients qui auraient des TCA sans cette relation addictive à l’alimentation. L’analyse des discours des patients en consultation permet de bien repérer les critères d’addiction à l’alimentation comme la perte de contrôle, qui est tout à fait centrale dans les conduites addictives, la détresse liée à l’alimentation, le temps passé autour du comportement problématique, la notion de craving, les consommations malgré les conséquences dommageables, la détresse en lien avec l’alimentation, les problèmes sociaux interpersonnels, et l’abandon des pratiques plutôt plaisantes, sociales, professionnelles ou de loisirs.

Source : Clémence Cabelguen. Addiction alimentaire : Mythe ou réalité d’un continuum avec un potentiel TCA ? JFN 2024 Strasbourg. http://www.lesjfn.fr/

C. Costa © Société Française de Nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Date de publication : 15/05/2025

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